BILLET D'ACTUALITÉ

Derniers avis du Sénat : formations linguistiques de l'OFII et programme 104 "Intégration et accès à la nationalité française"




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 RAPPORT D'INFORMATION 
 "Apprentissage du Français et des valeurs civiques : davantage de moyens et toujours pas davantage de réussite" : 


La commission des finances du Sénat a procédé à un examen approfondi sur la période 2016-2023 de la mission budgétaire "Immigration, asile et intégration" (qui intègre le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française »), aussi appelé BOP 104), et plus précisément des formations linguistiques et civiques délivrées par l'OFII dans le cadre du Contrat d'intégration républicaine (CIR).

Les conclusions de ce travail sont exposées dans un rapport d'information présenté le 24 septembre dernier par la sénatrice Marie-Carole Ciuntu (LR, Val-de-Marne), désignée comme rapporteur spécial des questions et travaux en rapport avec la mission budgétaire "Immigration, asile et intégration" (définissant le budget de l'Etat en matière d'immigration et d'intégration) :

>> Cliquer ici pour accéder à la synthèse et/ou au texte intégral du rapport <<


Intitulé "Apprentissage du Français et des valeurs civiques : davantage de moyens et toujours pas davantage de réussite"
, ce rapport établit le constat que ces dispositifs de formation restent assez peu efficients en termes de résultatsmalgré un ajustement de leurs contenus pédagogiques et de leur durée depuis 2019 et une augmentation de +200% du budget octroyé par l'Etat à leur mise en place sur la période 2016-2023.

Entre autres, 
malgré un doublement des heures prescrites depuis 2019, le nombre de personnes validant le niveau A1 à l'issue des formations linguistiques de l'OFII est d'à peine 70% en 2023.

Concernant la formation civique obligatoire, le rapporteur spécial observe que celle-ci est certes passée de 6h initialement à 24h aujourd'hui, mais elle continue de présenter les écueils déjà identifiés par le passé : contenu trop large, trop académique, et la formation intervient encore trop tôt en amont du parcours des personnes, très souvent avant que ces dernières n'aient pu même commencer à suivre une formation linguistique.

Le rapport coût / résultats de ces dispositifs est donc de nouveau questionné, et les conclusions de ce rapport font ainsi directement écho à celles déjà exposées dans un précédent rapport, présenté en 2017 par le sénateur Roger Karoutchi.


S'inscrivant également dans le contexte d'évolution à venir des dispositifs de formation linguistique et civique poursuivis dans le cadre du CIR, il présente les sept recommandations à suivre
 pour permettre d'atteindre les objectifs définis par la loi immigration 2024, selon le rapporteur spécial : 

Recommandation n° 1 (concernant les institutions suivantes : Direction générale des étrangers en France (DGEF), Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII)) :
Faire débuter la formation linguistique avant la formation civique, en prévoyant un parcours alternant la formation linguistique avec deux fois deux blocs de deux jours de formation civique, avec des supports de formations complémentaires et accessibles en ligne pour tous les primo-arrivants.


Recommandation n° 2
(DGEF, OFII et ses prestataires) :
Recentrer les quatre jours de formation civique autour de contenus uniquement dédiés aux valeurs, aux principes, et aux institutions de la République, à l'exercice des droits et devoirs liés à la vie en France ainsi qu'à l'organisation de la société française, en transformant la journée « Emploi » en une journée optionnelle pour les signataires du CIR désireux de chercher un emploi ou déjà inscrits à France Travail.


Recommandation n° 3
(DGEF) :
Rehausser a minima de 100 heures le volume horaire de la formation linguistique pour l’adapter aux nouvelles exigences du niveau A2, en prévoyant une sortie anticipée du cursus de formation en cas d’atteinte du niveau.


Recommandation n° 4
(DGEF, OFII et ses prestataires) :

Structurer le test sanctionnant la formation civique en deux parties, avec une première épreuve écrite, complétée d’un entretien oral de mise en situation, avec des plateformes d’entraînements en ligne à destination des signataires du CIR.


Recommandation n° 5
(Ministère de l’intérieur et des Outre-mer, DGEF) :

Mettre les crédits du programme 104 dédiés à la formation linguistique et civique en conformité avec les objectifs affichés par la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 et tirer les conséquences de cette réforme sur l’évaluation de la performance de la politique de formation.

Sur ce point, on note que le rapport fait explicitement état de la nécessité de sécuriser le financement du programme 104
 : 
"(...) il apparait désormais indispensable de préciser rapidement les modalités concrètes de mise en oeuvre de la réforme de la formation civique et linguistique pour en évaluer plus précisément le coût financier. L’examen du projet de loi de finances pour 2025 sera pour le Gouvernement l’occasion de préciser l’évolution des crédits du programme 104 en lien avec l’augmentation du nombre d’heures prescrites, la refonte du contenu des formations linguistique et civique et l’introduction d’une certification linguistique obligatoire et d’un examen civique. Cette évolution ne peut se faire à coûts budgétaires constants, au risque d’aggraver encore le faible taux de maîtrise de la langue française en fin de parcours d’intégration." (page 70)


Recommandation n° 6
(DGEF, OFII et ses prestataires) :

Instaurer une participation financière des étrangers signataires du CIR aux coûts des formations linguistiques et civiques, sous réserve de leurs ressources.


Recommandation n° 7
(DGEF, OFII et ses prestataires) :

Instaurer une prise en charge financière, par l’étranger, de la certification du niveau de langue prévue en fin de parcours.


Ces éléments sont aussi à mettre en perspective avec la proprosition de budget de la mission "Immigration, asile et intégration" présentée par le rapporteur spécial 
au titre du Projet de Loi de Finances 2025 de l'Etat, et validée par la commission des finances le mois dernier.

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 Projet de loi de finances pour 2025 
 Crédits budgétaires de la mission "Immigration, asile et intégration" : 

Malgré les préconisations précédemment formulées sur la nécessité d'en sécuriser le financement, la commission des finances du Sénat a validé en date du 24 octobre la baisse des crédits du programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » d'environ 15% par rapport à 2024.

En savoir plus : PLF 2025 - Présentation des crédits par mission et décisions de la commission


Cette baisse prévue concerne essentiellement l'action n°12 "Intégration des étrangers primo-arrivants" 
du programme 104 qui finance les formations linguistiques menées par les structures de proximité, via les appels à projet BOP 104 (et référencées par Réseau Alpha en Île-de-France), ainsi que le déploiement du dispositf AGIR : le budget de cette action diminuerait ainsi d'environ 45% en 2025, passant ainsi d'environ 174 millions (€) en 2024 à 95 millions en 2025.

Le budget des formations linguistiques et civiques de l'OFII (financées par l'action n°11 du programme 104 "Accueil des étrangers primo arrivants") resterait stable quant à lui, en dépit toutefois du réhaussement des exigences linguistiques mises en place par la loi Immigration 2024. A ce sujet, 
Marie-Carole Ciuntu formule donc le point de réserve et de vigilance suivant : 

"Si elle s'explique par un contexte budgétaire très contraint, l'absence de hausse des crédits de l'action n° 11, qui finance notamment les formations civiques et linguistiques, supposera en 2025 d'améliorer nettement l'efficience des formations et de s'appuyer davantage sur une contribution (financière) des élèves et des entreprises. À défaut, il est possible qu'un nombre notable de signataires du CIR ne disposent pas du niveau A2 exigé à partir du 1er janvier 2026 pour obtenir une carte de séjour pluriannuelle."
Source : Rapport général, Projet de loi de finances pour 2025 : Immigration, asile et intégration (page 38, en format pdf).


Ces propositions budgétaires sont pour l'instant en attente d'un vote solennel 
du Sénat qui devrait intervenir d'ici le 12 décembre prochain.