Favoriser l’accès à des lieux culturels pour rentrer dans l’apprentissage du français.
"Notre offre de cours de français était de lier cet apprentissage à l’ouverture sur la culture française en facilitant l’accès à des lieux culturels, généralement peu fréquentés par les adultes en démarche d’apprentissage du français, car peu accessibles à cause, entre autres, des niveaux de langue. On avait des partenaires privilégiés et bien identifiés sur le territoire comme lethéâtre des Bergeries, le cinéma Le Trianon ou le musée d’art Contemporain la Galerie. L’ambition que l’on porte avec Mme Carine Kerne (formatrice de français à Entraide), c’est que ce public puisse accéder au théâtre et au cinéma pour entrer dans l’apprentissage du français et ainsi contribuer à leur maîtrise du français. Ce qui ne nous interdit pas et c’est ce que l’on a développé par la suite, de toucher un public qui veut rentrer dans le français pour gagner en employabilité et s’engager dans un contrat d’intégration républicain”.La nécessité de travailler sur un temps long pour bien accompagner les personnes dans l’apprentissage.
Cédric Busenhard nous explique qu’ “il faut compter à peu près 3 ans pour que les personnes, qui n’ont pas l’habitude d’aller au théâtre se l’approprient et y aillent d’elles-mêmes. La première année, les personnes découvrent le théâtre, la deuxième année, on consolide cette découverte avec une restitution et la troisième année, elles vont au théâtre seules. La difficulté que nous rencontrons par rapport à ce temps long, c’est de faire comprendre aux financeurs qu’il faut au moins ces trois ans pour débloquer de telles pratiques personnelles”.“Une fois que le partenariat avec le théâtre des Bergeries était solide, ça nous a permis de développer un autre projet avec la Galerie, qui est un musée d’art contemporain. En général, on lance un projet avec un groupe, puis la deuxième année si tout fonctionne, on choisit de lancer un autre groupe sur un autre projet pour qu’il y ait un roulement”.
Le courage et l’implication des participantes.
Actuellement, il existe deux ateliers pour apprendre le français au sein de l’association. Un groupe concerne les personnes qui débutent avec la langue française et un autre est consacré aux personnes plus avancées. Lors de notre rencontre avec Cédric Busenhard, une partie des participantes des deux groupes présentaient le projet dans lequel elles s’étaient investies cette année avec le cinéma Le Trianon, à savoir une série de courts métrages. A l’occasion de ce projet, les personnes apprenantes ont écrit des petites saynètes, elles ont appris à les jouer et à tenir une caméra. Chaque saynète est inspirée des expériences de vie de tous les jours. Cédric Busenhard, commente ainsi la prestation des participantes : “ Je sais l’effort qu’elles ont fait pour déclamer quelques phrases en français. Il y a eu du travail pour en arriver là. Le courage qu’elles ont de venir dans un cinéma, devant un public, dire en français, qu’elles maîtrisent mal, ce qu’elles ont fait... Je ne suis pas sûre que moi dans leur position, dans un pays étranger, je sois capable de le faire. On est là pour les aider, mais elles ont du courage. En plus, elles ont une charge mentale, qui est importante à l’extérieur. C’est d’ailleurs là aussi où nous jonglons en permanence, car il y a toujours un problème de garde d’enfants, d’un conjoint qui rentre tard du travail. Un jour il faudrait que l’on puisse travailler avec une structure pour accueillir les enfants pendant les cours de français. Quand je parle de créer un centre social, on sait que si on le fait, il faudra une halte-garderie pour les enfants”.Les meilleurs ambassadeurs pour sensibiliser les structures culturelles à l’accessibilité sont les participants des ateliers.
Les participants des ateliers de français sont les meilleurs atous pour sensibiliser le milieu culturel et faire bouger les lignes afin que l’accès à la culture soit plus facile.Cédric Busenhard prend l’exemple d’un projet qui a été mené avec le musée d’art contemporain La Galerie à Noisy-le-Sec : “ 8 adultes ont participé à toutes les étapes du projet : conception des outils de communication, installation des travaux dans les espaces d'exposition et se sont chargés de la médiation. Là aussi la barre était assez haute. Les participantes ont été impliquées de A à Z grâce à la formatrice et aux équipes du musée. Ce qui a été beau dans ce projet, c’est que le projet a permis à la Galerie de se questionner sur ses pratiques de médiation, pour co-construire des outils et des postures d'échange et d'accueil : tisanes, gestes, mots, rites (comme les guirlandes de citron et piments de tradition tamoule accrochées aux portes du centre d'art). Pour les équipes de la Galerie, ça a été aussi un sacré challenge de rendre cette exposition accessible à des gens qui ne maîtrisaient pas le français et qui n’ont pas l’habitude d’aller au musée. Le travail c’est super bien passé, mais un projet comme ça, ce fait sur 6 mois, tous les mercredis jusqu’au jour de la restitution”.
De la nécessité de créer un lien de confiance avec les participants.
L’association réalise quatre ateliers par semaine pour apprendre le français. Parfois, le vendredi après-midi, les personnes se réunissent à nouveau lorsqu’il faut fournir un travail supplémentaire sur les projets culturels. Depuis l’an passé, un des moments de l’année est dédié à la compréhension du système de santé. Les groupes vont donc visiter le centre médico-social de Noisy-le-Sec. Prochainement, cette logique sera déclinée au niveau de l’emploi en organisant des rencontres avec la Maison de l’emploi. L’insertion en emploi est une demande qui vient des participantes. Les enfants grandissent et vont à l’école, elles peuvent donc plus facilement travailler. Ces ateliers santé et emploi sont réalisables après plusieurs mois d’ateliers, après avoir construit un lien de confiance avec les élèves Une nouvelle fois, Cédric Busenhard, souligne l’importance de s’appuyer sur des partenariats divers : “On les met en lien avec des personnes ressources, car ce n’est pas notre métier le suivi de la santé ou l’insertion en emploi”.Travailler avec les personnes en respectant leurs besoins.
Entraide à Tous a fait le choix de limiter les inscriptions en cours d’année afin de garantir une progression à l’ensemble des membres du groupe.” Carine Kerne s’astreint à un programme afin de répondre aux premiers besoins des participants, à savoir apprendre à s’exprimer et à écrire en français. Si on ne respecte pas ces besoins, les personnes ne resteront pas avec nous. En plus, ce suivi permet de susciter de la motivation pour participer aux projets culturels. On essaie de ne pas trop surcharger les personnes pour ne pas les épuiser, mais on a conscience que, parfois, nous les bousculons un peu”.Des impacts qui vont au-delà des ateliers de français.
L’impact de l’investissement des personnes dans les projets culturels reste difficilement mesurable, car il s’agit d’abord et avant tout d’un impact qualitatif. Cédric Busenhard décrit cet impact de multiples façons. A la fois par le fait que les personnes reviennent dans les ateliers en étant motivées et en voulant s’investir dans d’autres projets et aussi par le fait que les personnes vont désormais par elles-mêmes voir des spectacles.Elles lui ont dit “oui” et elles sont venues à 250 ! Je n’ai pas pu monter dans le bus tellement il y avait du monde. Les personnes sont très imprégnées de cette culture kollywood et c’est toujours compliqué pour aller voir ces films, programmés dans des cinés club excentrés. J’ai même vu des ados de 14-15 ans repartir avec l’affiche signée du distributeur des films kollywood en France qui était présent. Depuis cette première, le Trianon diffuse plusieurs Kollywood dans l’année. Il y a donc aussi cet échange, où nous leur faisons découvrir par exemple du Romain Gary et elles nous font découvrir le Kollywood”.