BILLET D'ACTUALITÉ

Rapport du député Aurélien Taché au Premier Ministre pour la refonte de la politique d'accueil et d'intégration des étrangers
Mandaté par le gouvernement en septembre dernier pour mener un travail de consultation, de réflexion et d'élaboration de propositions pour la redéfinition de la politique d'accueil et d'intégration des étrangers en France, le député du Val-d'Oise (LRM) Aurélien Taché a présenté et remis son rapport au Premier Ministre le 19 février dernier. Vous pourrez retrouver la position prise par le gouvernement suite à la remise du rapport tout à la fin de ce billet. 


Pour mener à bien sa mission, le député a auditionné et rencontré 250 personnes qui travaillent sur la thématique de l’intégration : représentants ministériels; élus des collectivités territoriales; partenaires sociaux; entreprises; acteurs de la formation professionnelle; acteurs du secteur du logement; mais aussi chercheurs; et bien entendu, acteurs de terrain et associations.

Le rapport présente les 72 propositions formulées par le député sur les 6 axes thématiques suivants :
Axe 1 - Développer les instruments de connaissance sur la politique d’intégration
Axe 2 - Inscrire le contrat d’intégration républicaine dans un parcours d’intégration global
Axe 3 – Créer les conditions d’une insertion professionnelle la plus précoce possible
Axe 4 – Mieux accompagner vers l’accès aux droits et vers le logement
Axe 5 – Développer les liens culturels et citoyens entre les nouveaux arrivants et la société française
Axe 6 - Bâtir une gouvernance renforcée pour une action publique ambitieuse et cohérente

La liste complète des 72 propositions est disponible à la page 123 du rapport disponible ci-dessous en pièce-jointe.


Au coeur de ce travail de réflexion, une place important est accordée à la question du dispositif du Contrat d’intégration républicaine (CIR) et plus particulièrement de l’apprentissage de la langue française.

Voici un résumé des principales propositions émises sur le CIR et l'apprentissage du français : 

Dans la continuité des observations présentées au Sénat en juillet 2017 par le sénateur Roger Karoutchi, Aurélien Taché se positionne pour un renforcement des dispositifs de formation linguistique et civique du CIR.
Il propose ainsi un doublement voire même un triplement du volume horaire des cours de français prescrits dans le cadre du CIR pour l’atteinte du niveau A1. Il préconise ainsi que le parcours de formation en français de l’OFII soit au minimum de 400h, et puisse éventuellement s’étendre à 600h pour les bénéficiaires les plus éloignés du français ou souhaitant aller jusqu’au niveau A2.

En outre, il suggère que l’objectif de niveau de langue à cibler à l’issue des formations linguistiques de l’OFII puisse, à terme, être précisément élevé au niveau A2, afin notamment d’être en cohérence avec les nouvelles modalités de délivrance de la carte de résident de 10 ans. En effet, pour rappel, celle-ci est désormais conditionnée à l’obtention du niveau A2 ; mesure dont il salue « l’objectif louable d’élévation du niveau requis », mais qu’il juge « peu réaliste au regard des faibles taux d’atteinte du niveau A1 déjà constatés et de la faiblesse de l’offre linguistique entre les niveaux A1 et A2 ».

De plus, il souhaite que le cursus de formation linguistique de l'OFII débouchent sur la passation d'une certification du niveau langue qui serait, comme les formations elles-mêmes, prise en charge par l'Etat. 

Il préconise par ailleurs la mise en place d’un programme d’enseignement spécifique pour les personnes en situation d’analphabétisme, qui représenteraient 10 à 15% des bénéficiaires des cours de français de l’OFII et pour lesquelles ces derniers ne sont actuellement pas adaptés.

En rupture avec les dispositions légales actuelles, Aurélien Taché préconise aussi que la liste des publics éligibles aux formations linguistiques de l’OFII soit étendue aux demandeurs d’asile, au moins pour ceux qui ne proviendraient pas de pays d’origine sûre et qui sont donc susceptibles d’obtenir le statut de réfugié ou la protection subsidiaire. Il commente en outre que « pour les personnes déboutées du droit d’asile qui auront accédé à ces cours, l’apprentissage du français, loin d’être un frein, constituera un atout pour le retour au pays, sur lequel il est aussi nécessaire de changer d’approche ».

Il lui semble également indispensable de concevoir la question de l’apprentissage de façon plus globale et de prendre en compte les personnes étrangères arrivées il y a plus de 5 ans, et non pas seulement les primo-arrivant-e-s. Il souhaite que le parcours de formation linguistique puisse se poursuivre au-delà du CIR et « déplore que le soutien aux associations d’apprentissage du français langue étrangère ne relève de la politique d’intégration que pendant les cinq premières années de séjour ».
Au regard de ces observations, il formule une double proposition sur les financements du programme 104 (souvent appelé BOP 104) servant à subventionner la mise en place d'actions d’enseignement du français qui permettrait d’apporter un soutien financier plus important aux associations :
◦ étendre ces financements aux actions incluant des étranger-ère-s présent-e-s en France depuis plus de 5 ans ;
◦ doubler les crédits alloués à ces financements, et donc le montant de l’enveloppe disponible.
Il précise à ce point que cette mesure "implique (...)  une meilleure coordination locale entre les deux financeurs publics de cours de français que sont l’OFII et les DDCS (directions départementales de la cohésion sociale)".

Au total, il formule 12 propositions concernant l’apprentissage de français :
7. Augmenter progressivement les crédits alloués au dispositif « Ouvrir l’école aux parents », en visant à terme une multiplication par cinq des places.
8. Augmenter le volume d’heures de cours du CIR à 400 heures minimum, avec la possibilité d’étendre la prescription à 600 heures.
9. Viser à terme l’atteinte du niveau A2 à l’issue des formations linguistiques du CIR.
10. Démarrer le module d’apprentissage du français dès le dépôt de la demande d’asile pour les personnes ne provenant pas de pays d’origine sûre.
11. Créer une offre linguistique adaptée pour les personnes analphabètes.
12. Développer les offres linguistiques en ligne.
13. Prendre en charge l’accès à la certification du niveau de langue à l’issue des formations du CIR.
14. Harmoniser les certifications afin qu’elles soient opposables pour toute démarche administrative et puissent dispenser des formations linguistiques du CIR.
15. Accorder moins de poids aux prix et davantage à la qualité des prestations dans les nouveaux marchés de l’OFII.
16. Promouvoir l’accès des femmes aux formations dans les nouveaux marchés de l’OFII, notamment en prévoyant des possibilités d’accueil temporaire des jeunes enfants en halte-garderie.
17. Poursuivre la généralisation des cartographies des offres de formation linguistique.
18. Ouvrir les crédits de formation linguistique du programme 104 aux étrangers présents en France depuis plus de cinq ans, en recentrant les ateliers sociolinguistiques sur la pratique de la langue française.

Sur les aspects autres que celui de l’apprentissage du français, il propose également, pour renforcer le CIR :
◦ d’intensifier le module de formation civique en le portant à 60h (au lieu de 6h actuellement) et en enrichissant son contenu ;
◦ d’y ajouter un volet d’orientation professionnelle.

Parmi les autres axes thématiques, on retrouve notamment les propositions suivantes :
29. Offrir aux primo-arrivants un accompagnement global personnalisé, incluant notamment l’accès au logement et à l’emploi, d’une durée moyenne d’un an.
A noter qu’il précise sur ce point : « L’OFII serait chargé d’organiser l’accès de tous les publics à un accompagnement global, à travers des appels à projets locaux, respectant des principes définis au niveau national mais adaptés à chaque territoire, qui seraient conçus par les délégations territoriales par département ou bassin d’emploi. Les réponses devraient être élaborées par un opérateur intégrateur, qui pourra être une association ou un groupement, chargé d’organiser le rassemblement et la coordination des compétences de travail social et d’insertion professionnelle toutes deux nécessaires pour favoriser l’accès aux droits, à l’emploi et au logement. Pour éviter la standardisation des réponses, les appels à projets locaux devraient réserver une part aux expérimentations sur des micro-territoires ».
30. Créer un fonds de soutien aux actions innovantes en faveur de l’intégration.
42. Supprimer la condition de nationalité pour l’accès concours ouvrant droit aux fonctions non régaliennes de la Fonction publique.
47. Autoriser les demandeurs d’asile à travailler six mois après le dépôt de leur demande, voire plus tôt dans le cadre d’un examen au cas par cas.
53. Créer un portail national rassemblant, directement ou via des sites partenaires, l’ensemble des informations et des services utiles à l’intégration des étrangers nouvellement arrivés en France.
61. Créer un crédit d’impôt solidarité pour les foyers hébergeant gratuitement un primo-arrivant, notamment réfugié.
72. Regrouper la mise en oeuvre de la politique d’intégration au sein d’un établissement public dédié, qui rassemblerait les expertises, favoriserait la mise en commun des ressources et développerait les partenariats au niveau central et local.


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Position du gouvernement, suite à la remise du rapport qui a eu lieu à Lyon en présence du Premier Ministre, Édouard Philippe :

"(...) Le Gouvernement partage le constat établi et reprendra les grands axes des propositions. Un comité interministériel à l’intégration sera réuni dans les prochaines semaines pour valider précisément les suites qui seront données au rapport. Néanmoins, le Premier ministre a d’ores et déjà pris des engagements :

PREMIER ENGAGEMENT : RENFORCER L’APPRENTISSAGE DU FRANÇAIS
◦ Doublement du nombre d’heures d’enseignement (de 200 à 400 heures) ;
◦ Extension de l’opération "Ouvrir l’école aux parents", qui consiste à donner des cours de langue aux parents d’élèves primo-arrivants dans l’école de leur enfant ;
◦ Révision de la formation civique dans le cadre du contrat d’intégration républicaine (CIR, conclu entre l'État et les personnes ayant vocation à s’installer en France, par lequel elles s’engagent à suivre des formations civiques et linguistiques).

SECOND ENGAGEMENT : LEVER LES FREINS À L’INSERTION PROFESSIONNELLE DES PERSONNES ACCUEILLIES
◦ Pour les demandeurs d’asile : "Si après 6 mois, un demandeur d’asile attend encore un retour sur son dossier, mais qu’il veut travailler et qu’il trouve un emploi, autorisons-le à l’occuper", a déclaré Édouard Philippe.
◦ Pour les personnes ayant obtenu le statut de réfugié : "Il n’est pas normal [qu’elles] doivent attendre de longs mois […] parce que [leur] carte de résident ne peut pas être délivrée tout de suite […] Si on ne peut pas la délivrer tout de suite, trouvons autre chose."
◦ L’ensemble des freins réglementaires ou administratifs qui retardent l’accès à l’emploi seront passés en revue ;
◦ Un volet « orientation professionnelle » sera ajouté au CIR."

Source : site du gouvernement.

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