BILLET D'ACTUALITÉ

Entrer dans l’écrit avec les fiches FOCAALE - Rencontre avec le Réseau des Acteurs de la Dynamique ASL (RADyA)



Depuis sa fondation en 2009, le RADyA (Réseau des Acteurs de la Dynamique ASL) s’est imposé comme un acteur clé de la formation linguistique, en supervisant le cadrage méthodologique des ateliers sociolinguistiques (ASL) et en accompagnant leur mise en place au sein des structures d’apprentissage du français.

Ces ateliers de français visent à rendre les apprenants autonomes dans certaines situations sociales : effectuer une démarche, un parcours de soin, le suivi de la scolarité des enfants… A la différence d’un cours en milieu scolaire, l’entrée dans l’apprentissage se fait en fonction des besoins des personnes plutôt que par la règle.

En été 2022, Réseau Alpha est allé à la rencontre de Marie Laparade, conseillère technique et pédagogique au sein du RADyA, afin d’échanger notamment sur leur approche pédagogique innovante et leur projet européen FOCAALE initié en 2018.


 

LE PROJET FOCAALE :

Le projet européen FOCAALE (Français opérationnel et contextualisé pour adultes en apprentissage de la lecture-écriture) répond au besoin urgent d’améliorer l’enseignement du français pour les adultes migrants peu ou pas scolarisés. Lancé en septembre 2018 pour trois ans, il réunit le Luxembourg avec le Comité de liaison des associations d'étrangers (CLAE), la Belgique avec le Proforal et la France avec le RADyA et le FEI (France Education international). Il a été financé dans le cadre de l'action 2 du programme Erasmus+ qui vise à soutenir des projets de coopération internationale et de partage d'expériences entre organisations, notamment dans les secteurs de la formation professionnelle et de l'éducation des adultes.

Les organismes associés à ce projet partagent leurs pratiques et expertises sur l’enseignement du français auprès de ce public, avec pour principaux objectifs :

  la production d’un état des lieux de la recherche et des ressources pédagogiques ;
  la création de 20 fiches pédagogiques et de 3 modules de formation en ligne à destination des formateurs ;
  la publication de recommandations afin de sensibiliser l’ensemble des parties prenantes à la thématique du projet.

Le projet FOCAALE vise ainsi à améliorer la formation des formateurs, en fournissant des outils adaptés aux adultes migrants non-lecteurs non-scripteurs souhaitant apprendre le français, et à renforcer les liens entre les formateurs.

 

LES FICHES FOCAALE :

Les fiches FOCAALE sont des supports pédagogiques pour apprendre la lecture à partir de documents authentiques de la vie quotidienne des personnes en apprentissage, en fonction de leurs besoins : remplir un formulaire, lire un panneau d’affichage… Elles s’adressent à des personnes peu ou pas scolarisées, débutant en lecture-écriture mais ayant au minimum une compréhension et expression orale de niveau A1.

L’approche des fiches FOCAALE permet de garantir la motivation et l’implication du public dans l’apprentissage, y compris en dehors des temps de formation, puisque les documents utilisés font partie de leur quotidien. Cette approche implique de suivre une progression rigoureuse, allant de l’identification du document et de ses parties à la segmentation des mots et syllabes qui les composent.

Pour mieux s’approprier ces fiches, il est recommandé de commencer par prendre connaissance de la note méthodologique du projet FOCAALE.




Réseau Alpha : Comment les fiches FOCAALE se sont-elles mises en place ?

Marie Laparade : C’est un projet Erasmus+ et le porteur était FEI (France Education International). Il y avait 4 partenaires : FEI, Proforal en Belgique, un de nos adhérents, un organisme de formation luxembourgeois (le CLAE) et nous. Le projet était de faire des fiches pédagogiques sur l’entrée dans l’écrit pour des publics non scolarisés. Le Radya était intéressé par cette entrée, mais [en se basant sur] des documents authentiques. C’était une action sur 3 ans. Il y a eu 4 étapes :


1)
Un recensement de ce qui existait sur l’apprentissage pour les adultes, qui a été mené par le CLAE.

2) Nous, le Radya, avons proposé des documents. Nous avons créé nos fiches pédagogiques en France, à charge pour Proforal et le CLAE de les adapter aux contextes luxembourgeois et belge.

3) Ensuite le Radya a fait trois modules auto-formatifs.

4) La quatrième partie était des recommandations de bonnes pratiques faites par Proforal.


RA : Comment les thèmes de ces fiches ont-ils été choisis ?

M.L : A partir de notre connaissance du terrain et avec les formateurs et coordinateurs. Nous avons réfléchi un peu ensemble aux documents qui nous semblaient les plus courants dans la vie quotidienne : quittance, formulaire, facture, calendrier, etc.

Avant de travailler la lecture linéaire, il s’agissait d’apprendre à balayer un document, à repérer les informations importantes, à faire des hypothèses. En fait, les personnes qui commencent à lire en linéaire, sont rarement capables de trouver une information sur un document parce qu’il faut apprendre à repérer et à balayer… Nous, nous avons les codes de ces documents : une facture, même si elle est différente, a des récurrences : le logo, la date, le numéro… Il y a une organisation que l’on connaît.  On ne lit jamais une facture de manière linéaire, en commençant par le haut et en finissant par en bas. On sait très bien où notre œil va se porter. C’est ça aussi qu’on voulait mettre en évidence dans ces fiches. Donc nous sommes très très loin d’une entrée béaba.

En travaillant de cette façon, on permet aux personnes de se faire des stocks de mots. Des mots souvent utilisés, par exemple “valider” : sur tous les automates, on retrouve “valider”.

Finalement, on rentre déjà dans la lecture en repérant ce qui est essentiel.

 

RA : Combien faut-il de séances en moyenne pour chacune des fiches FOCAALE ?

M.L : La récurrence va être importante, il va être nécessaire de revenir sur les mots, de faire marcher la mémoire visuelle qui est souvent d’ailleurs assez bien développée chez les publics qui ne savent pas lire parce qu’ils  sont obligés d’avoir des repères. On leur apprend à faire des hypothèses : “J’ai tel document, quels sont les mots auxquels je peux m’attendre sur ce document ?”.

Et si on s’en tient à simplement à lire les mots les uns après les autres, souvent, quand les gens apprennent à déchiffrer, ils déchiffrent avec peine et au bout de la ligne ils ont déjà oublié de quoi ça parle, voire même ils n’ont carrément pas compris de quoi on parlait, donc le déchiffrage doit avoir du sens, sinon ça ne donne rien.

Le code, il n’a pas de sens en soi. Pourquoi “eau” ça fait “o”, il y a pas d’explication logique, c’est un code qui est comme ça, c’est la langue qui est comme ça…

Donc notre approche c’est, une fois que les gens ont constitué un stock, de commencer à voir ce qui est pareil, ce qui n’est pas pareil, ce qu’on retrouve.

Certaines personnes étrangères n’entendent pas non plus tous les sons. Les arabophones n’entendent pas le son “é” donc apprendre à écrire le son “é” qui s'écrit de 36 façons différentes en français à des gens qui l’entendent pas, ça commence à être un peu ardu.

Donc ce que l’on veut, c’est mobiliser la mémoire visuelle, parce que la lecture c’est l'œil en fait, et ne pas se focaliser sur des sons qui ne sont pas entendus.

 

RA : Chaque thématique correspond-elle à un niveau CECRL ? Un formateur peut-il adapter l’ordre des fiches en fonction de son groupe ?

ML : On a essayé effectivement de faire un classement qui va du plus simple ou du plus courant à quelque chose de plus compliqué, mais il n’y a pas un cadre rigide. Comme il faut s’adapter au public que l’on a, on va choisir ce qu’on va faire en fonction de leurs besoins et de leurs progressions. Il faut être excessivement souple et très à l’écoute des personnes que l’on a en face de nous. Ça demande du travail les ASL, de la préparation, c’est assez exigeant… On ne prend pas un manuel pour aller de la page 1 à 56. Cela demande plus d’investissement. Après, je trouve que ça procure aussi plus de plaisir. Et puis il y a quand même tellement de liberté. Si on est un peu créatif, on s’y retrouve.

 

Pour aller plus loin :

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FOCAALINAIRE, webinaire du projet FOCAALE dédié à l’enseignement du français à un public adulte non ou peu lecteur, 28 juin 2021 - revisionnable ici : https://www.bruxellesfle.be/focaalinaire-webinaire-focaale/
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Présentation des fiches FOCAALE, Rencontre thématique Réseau Alpha mai 2021 : Quel accompagnement linguistique des publics en alphabétisation ?
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Site web du RADyA : http://www.aslweb.fr/